Le sol vivant, clé du débat sur les modes d’agriculture

En bref… La recherche de la productivité et du contrôle a mené à des systèmes agricoles déconnectés des cycles de la nature. Le cas des légumes qui poussent toute l’année sous des serres chauffées est l’un des exemples les plus parlants. 

Outre le fait d’en sortir des produits sans goût et pauvres en nutriments, la machine peut nous échapper et la nature reprendre le contrôle. Le virus de la tomate en est une des preuves. C'est pourquoi chez Omie, on s'intéresse à l'agroécologie, une méthode de production qui respecte les sols et leur écosystème. 

 

Et si avant les labels, on s’intéresserait d’abord aux sols ?

Le débat sur l’agriculture se cristallise trop souvent sur l’usage ou non des pesticides… Mais avant même de se poser cette question, intéressons-nous d'abord aux sols : la base fondamentale de l’agriculture. Pour bien comprendre, commençons par un rapide tour d'horizon des différents enjeux. 

Des enjeux multiples pour l’agriculture

  • Il y a d’abord un enjeu quantitatif lié au rendement d’une surface agricole. Pouvons-nous obtenir des rendements suffisants pour nourrir tout le monde ? Attention à ne pas considérer ici uniquement les volumes produits, car tous les légumes, tous les fruits, toutes les céréales ne se valent pas d’un point de vue nutritionnel.
  • L’enjeu de santé humaine est aussi de plus en plus important : ce qui est produit est-il exempt de risque pour la santé ? On pense bien sûr aux substances présentes dans les aliments, mais il y a aussi les risques liés à l’impact sur l’environnement du mode de culture (contaminations des nappes phréatiques, de l’écosystème, défrichement, ruissellement…).
  • Du point de vue de la santé végétale, on cherche à éviter ce qui peut endommager voire réduire les récoltes, comme les insectes ravageurs ou les moisissures. Et à l’inverse, trouver des moyens de protéger les cultures de ces dangers potentiels.
  • Autre enjeu : l’acceptabilité des produits par les consommateurs, en termes de goût, bien sûr, mais aussi d’apparence, de texture, de durée de conservation et de prix d’achat.
  • La question économique est aussi d'une importance majeure : la culture est-elle viable pour celui qui la produit ? Et nous ne parlons pas seulement d'un horizon court terme. Elle doit l’être sur plusieurs années, ce qui pose la question de la viabilité réelle des monocultures à grande échelle et surtout des cultures basées sur les seuls apports en engrais.
  • Enfin, cet enjeu économique devient géopolitique lorsqu'on le considère à l’échelle d’un pays tout entier : n’y a-t-il pas danger à trop se spécialiser et à faire reposer une partie de son approvisionnement alimentaire sur les importations ? A faire reposer sa production sur des produits importés comme les engrais, les semences ou les aliments pour animaux ?

L'évolution de l'agriculture amène de nouveaux débats

Augmentation des rendements et contraintes de transport

Infographie : Pour une Agriculture du Vivant

Depuis ses premiers pas, il y a près de onze mille ans, l’agriculture a progressé par tâtonnements. Jachère, labour, nouvelles variétés, on a travaillé à rendre l’agriculture plus “performante”.

Dans cette logique, on a bien sûr cherché à augmenter les rendements. Tout d’abord par une sélection naturelle des variétés les mieux adaptées à tel ou tel terroir. Mais surtout par l’apport d’engrais. D’abord organiques, puis minéraux à partir de la moitié du dix-neuvième siècle qui a vu le début de la production industrielle d’engrais contenant de l’azote, de l’acide phosphorique ou de la potasse.

Les pratiques industrielles ont fortement augmenté lors de la deuxième moitié du vingtième siècle. Par exemple, entre 1972 et 1992, l'utilisation mondiale d'engrais est passée de 73,8 à 132,7 millions de tonnes(1).

En parallèle, on comprend aujourd’hui mieux comment fonctionne le sol. Ce que certains anciens avaient constaté empiriquement est aujourd’hui explicable par la science. La difficulté est de conjuguer la technologie avec la science du vivant plutôt que de les opposer.

Autre phénomène : l’augmentation des tailles d’exploitations, liée à la baisse drastique du nombre d’agriculteurs (6,2 millions en 1955 contre 860 000 en 2016(2)), qui pousse à plus d’automatisation et d’industrialisation du travail, donc également plus de spécialisation.

Un débat polarisé

Deux camps s’affrontent de manière de plus en plus violente au fil des années : les tenants de l’agriculture « conventionnelle » et de l’agriculture « biologique ». Mais au-delà du fait qu’il y a autant de manières de pratiquer l’une et l’autre que d’agriculteurs, cette vision binaire ne permet pas forcément d’aborder les choses de manière constructive.

Un débat éclairé devrait sortir du “pour ou contre” les produits phytosanitaires. Ils ont permis de nourrir une population mondiale toujours plus importante et garantissent aujourd’hui notre approvisionnement. Le problème réside plutôt dans la manière dont on s’en sert, notamment lorsqu’ils sont utilisés de manière systématique alors qu’ils ne devraient l’être qu’en cas de nécessité.

Et si la meilleure grille de lecture pour faire les bons choix était au final celle du sol ? Et si, comme une métaphore du destin de notre humanité, il nous fallait faire le choix d’un sol vivant plutôt que d’un sol « mort », qui ne serait plus qu’un substrat matériel sans intérêt ?

Explorons la voie des sols vivants

Infographie : Pour une Agriculture du Vivant

Qu’est-ce qu’un sol vivant ?

Un sol vivant est un sol où vit une grande diversité de micro-organismes qui vont extraire et rendre disponible la matière organique (comme le carbone ou l’azote) et minérale (comme le potassium ou le phosphate) pour les plantes qui vont les capter pour se nourrir et se protéger. Certains micro-organismes améliorent le système immunitaire des plantes.

Les substances ainsi mises à disposition des plantes pour se développer et se protéger n’ont ainsi pas à faire l’objet d’apports extérieurs via des engrais organiques ou chimiques.

L’agriculture basée sur les sols vivants est appelée agroécologie.

Quelle est l’utilité d’un sol vivant ?

Un sol vivant est fertile car il contient tous les éléments utiles à une culture de qualité : les produits sont bons en goût et ils ont une bonne densité nutritionnelle. De plus, le sol permet de tirer parti de la typicité du terroir (type de sol, climat) pour donner un goût différent aux produits.

Un sol vivant participe également à la biodiversité fonctionnelle.

 

Qu’est-ce que la biodiversité fonctionnelle ?

Elle signale les êtres vivants qui jouent un rôle majeur dans le fonctionnement d'un écosystème : régulation des populations de ravageurs, pollinisation...

Elle permet :

Une meilleure protection des cultures à travers des « auxiliaires » qui vont défendre les cultures contre les ravageurs (comme par exemple les coccinelles mangent les pucerons) sans les dommages collatéraux des pesticides.  

Une meilleure pollinisation des cultures : plus les abeilles sont présentes sur la culture, mieux elles jouent leur rôle de pollinisation.

Des sols plus vivants : certains « auxiliaires » (vers de terre, micro-organismes) décomposent la matière organique morte et la rendent ainsi disponible pour les cultures. D’autres (vers de terre, fourmis) participent à la structuration du sol favorisant ainsi les services du sol rendus aux cultures (meilleur ancrage des systèmes racinaires, meilleure filtration de l’eau, meilleur accès aux nutriments, etc.), d’autres encore (nématodes, acariens) régulent la présence de champignons dangereux pour les cultures…

En agroécologie, quand on parle de biodiversité fonctionnelle, on fait référence à une biodiversité qui rend un service à l’écosystème de culture et à l’environnement. Par exemple, installer des ruches sur une parcelle agricole, ou encore repousser des insectes ravageurs en lisière des champs grâce à des plantes qui dégagent des substances que l’insecte n’aime pas, ou les piéger grâce à des plantes qui produisent des liquides gluants. 


En quoi un sol vivant est-il opposé à l’agriculture intensive ?

En ne respectant pas les cycles de la nature, l’agriculture intensive provoque une surexploitation des sols qui n’ont pas le temps de produire les substances nécessaires à la croissance et la protection des plantes : on utilise alors des produits chimiques à la place. Or, ces produits chimiques, associés à un travail intensif des sols qui vient dégrader leur structure, vont aggraver le problème en perturbant l’équilibre du sol, qui devient ainsi encore moins apte à répondre aux besoins des plantes, etc.

L’autre problème est qu’ainsi, les sols ne stockent plus de carbone, ce qui contribue à amplifier le phénomène du réchauffement climatique. En effet, un sol trop travaillé s’érode et libère du carbone, alors qu’une agriculture agroécologique avec couverts végétaux et un travail respectueux de la structure des sols va en stocker.

Une bonne illustration des problèmes liés à l’agriculture intensive est le virus de la tomate.

Le virus de la tomate
Sans danger pour l’homme, le virus de la tomate ou « ToBRFV » (Tomato Brown Rugose Fruit Virus) occasionne des taches jaunes et brunes sur la peau des tomates, des déformations, ou encore des marbrures jaunes ou brunes sur les feuilles. Il peut aussi toucher les poivrons et les piments.

Découvert en 2014, il n’est apparu en France que début 2020 dans une exploitation du Finistère spécialisée dans la production de tomates sous serres. Une exploitation très dense, en monoculture.

Même si tous les types de cultures peuvent être touchés, ce sont les cultures mécanisées sous serre qui sont largement le plus touchées. En effet, ces cultures sont souvent à haute densité car on obtient une grande rentabilité au mètre carré en cultivant un maximum de plantes. Comme ce sont des dispositifs artificiels qui les font pousser (engrais chimiques, chauffage), on peut en mettre autant qu’on veut, il suffit d’augmenter les doses… On peut ainsi obtenir 50 à 100 kg de tomates au mètre carré, contre deux fois moins en culture de pleine terre sous serre classique.

Or c’est cette proximité entre les plantes qui favorise une propagation rapide du virus (et des maladies en général).

Aucun traitement préventif ou curatif n’existe pour l’instant contre ce virus, qui peut occasionner la perte de toute la production.

 

A l’opposé de l’agriculture intensive, on parle beaucoup de la permaculture. On peut donc imaginer qu’il y a une cohérence, voire une forte affinité entre permaculture et sols vivants...

Quel est le lien entre les sols vivants et la permaculture ?

Les deux concepts intègrent la notion de respect de l’écosystème et du sol. Néanmoins, la permaculture n’est pas seulement un système agricole, mais quelque chose de plus vaste, plus proche d’une philosophie. Son but est de construire des installations humaines durables et résilientes, en associant les bonnes pratiques de l’agriculture biologique, de l’agroécologie, des énergies renouvelables, de l’écoconstruction et de nombreuses autres spécialités.

Comment maximiser l’énergie pour nourrir tout le monde ?

L’agroécologie consiste à faciliter le travail de la nature, en favorisant ses mécanismes naturels, pour une production plus efficace et donc à même de nourrir les populations. Ainsi, elle nous aide à maximiser l’impact de l’énergie utilisée (qui est celle du soleil) pour produire plus d’aliments. Ramener de la vie dans les sols est un point de départ essentiel pour nourrir la planète. En revanche, il ne permet pas d'atteindre à lui seul cet objectif. Il est nécessaire de continuer à acquérir des connaissances agronomiques, toujours en les utilisant à bon escient dans le respect des cycles naturels.
D’autre part, cela va de paire avec une lutte contre le gaspillage des denrées alimentaires.


Le cycle de l’énergie sur Terre

La vie sur terre est fondamentalement une question d’énergie. Via la photosynthèse, les végétaux arrivent à capter l'énergie du soleil et à l'utiliser pour fabriquer leur biomasse avec simplement du carbone et de l'eau. Ils deviennent le point d'entrée de l'énergie dans les écosystèmes terrestres. Les animaux, les humains peuvent s'en nourrir et littéralement construire leur corps et stocker de l'énergie grâce à eux.

C'est pour cela que les végétaux sont appelés les producteurs "primaires", ils sont le puits dans lequel nous venons tous puiser notre nourriture de base !

Tout comme n'importe quel organisme, la biodiversité qui constitue la vie du sol consomme ces résidus végétaux et se met en symbiose avec des plantes vivantes, cultivées ou non. On doit donc nourrir cette biodiversité utile des sols grâce à une agriculture qui maximise la photosynthèse et qui couvre les sols au maximum avec des résidus végétaux notamment. Ces techniques s'apparentent à l'agroécologie et sont désormais de plus en plus disponibles.

Ainsi nous pouvons maximiser l’énergie captée et mieux nourrir les populations.

Alors qu’est-ce qu’on fait au final ?

  • On donne une place plus importante à l’agroécologie, dans les lycées agricoles comme dans les décisions politiques.
  •  Sur les terrains agricoles, on respecte les cycles naturels en ne pratiquant pas de monoculture intensive, mais une rotation pour ne pas surexploiter le sol et tirer profit des interactions entre végétaux. Une rotation avec des légumineuses, par exemple, peut permettre dans certains cas une meilleure santé des sols et des plantes. Ainsi, on tire profit des ressources et des mécanismes de la nature pour mieux produire tout en respectant l’environnement. 
  • On garde en tête que le sol n’est pas qu’un « support » pour les cultures mais leur base fondamentale.
  • On ne travaille pas le sol à outrance car sinon on le déstructure et on perturbe la vie du sol.
  • On respecte et favorise la biodiversité fonctionnelle.
  • On produit en accord avec l’environnement « natif » (comme avec l’agroforesterie).
  • On explique le fonctionnement de la biosphère à nos enfants et on leur apprend à regarder la nature et comprendre l'intérêt de l'agriculture dans leur quotidien.
Pour Omie : nous favorisons des techniques agronomiques telles que l’agroécologie, permettant de rendre les cultures plus résilientes en respectant les cycles naturels, le sol et la diversité des cultures. Ce qui permet d’obtenir des produits plus riches nutritivement et gustativement, avec un impact positif sur l’environnement et sur la pérennité des exploitations.